Prévention en santé : un impératif pour la pérennité du modèle français

Auteur : Nicolas BAUDRY, Associé

La santé constitue un pilier fondamental du modèle social français. Elle est à la fois un enjeu de justice sociale, de bien-être collectif et de performance économique. Pourtant, l’évolution des dépenses de santé, en constante augmentation, met aujourd’hui à l’épreuve la soutenabilité de notre système.
En 2023, la consommation de soins et de biens médicaux atteint 249[1] milliards d’euros, représentant environ 9% du PIB[2]. Cette tendance haussière, induite par des facteurs structurels, remets en question la pérennité du financement de notre système de notre système de santé. La nécessité d’une transformation profonde de notre approche de la prise en charge de la santé est plus que jamais nécessaire, et une politique de prévention audacieuse et innovante doit en être un pilier

[1] Les dépenses de Santé en 2023 – Rapport Drees – 2024
[2] Les dépenses de Santé en 2023 – Rapport Drees – 2024

1. Une inflation soutenue et structurelle des dépenses de santé

Depuis plusieurs décennies, les dépenses de santé augmentent plus rapidement que la richesse nationale. En 2023, elles atteignent 249 milliards d’euros, en hausse de 5,3% par rapport à 2022, soit une progression de 20% en cinq ans[1]. Cette croissance n’est pas conjoncturelle mais représente une tendance lourde, touchant l’ensemble des pays de l’OCDE.

La France se distingue néanmoins par un niveau de dépense particulièrement élevé (3ème pays de l’OCDE en poids des dépenses de santé dans le PIB[2]), même si sa performance en termes de santé publique n’est pas systématiquement meilleure que celle d’autres pays européens ayant un niveau de dépense plus modéré.

Cette inflation a un impact sur l’ensemble des 3 piliers du financement de la santé que sont la sécurité sociale (78,5%), les OCAM (12,5%) et les ménages (7,5%) en 2023[3].

Ce déséquilibre budgétaire a notamment comme conséquence le dérapage du déficit de la sécurité sociale en 2024 (+16Md€), nécessitant des arbitrages politiques douloureux.

[1] Les dépenses de Santé en 2023 – Rapport Drees – 2024
[2] Les dépenses de Santé en 2023 – Rapport Drees – 2024
[3] Les dépenses de Santé en 2023 – Rapport Drees – 2024

2. Des facteurs structurels à l'origine de la hausse des dépenses

L’un des principaux moteurs de l’augmentation des dépenses de santé est le vieillissement démographique. En 2025, les personnes de plus de 60 ans représentent 28% de la population française. Ce chiffre devrait dépasser les 30% d’ici 2050, selon les projections de l’INSEE.

Cette transition démographique s’accompagne d’un allongement de la durée de vie, mais pas nécessairement d’un allongement de la vie en bonne santé. En effet, l’espérance de vie sans incapacité progresse plus lentement que l’espérance de vie globale, ce qui signifie que les dernières années de vie sont plus souvent marquées par des pathologies chroniques ou invalidantes.

Ce phénomène entraîne mécaniquement une augmentation de la demande en soins médicaux, hospitaliers, en dispositifs d’accompagnement à domicile ou en établissements spécialisés (EHPAD), pesant lourdement sur les dépenses publiques et privées (OCAM et ménages)

Parallèlement, la part des assurés souffrant d’affections de longue durée – telles que le diabète, les maladies cardiovasculaires, les cancers ou encore les troubles psychiques sévères – a fortement augmenté. En 2022, 20% de la population française est en ALD, concentrant à elle seule 60% des dépenses prises en charge par l’assurance maladie. Cette proportion a progressé de 75% en 20 ans[1].

Les ALD ont un double effet inflationniste sur les dépenses de santé : elles nécessitent des traitements au long cours, souvent coûteux (biothérapies, hospitalisations fréquentes, appareillages), et mobilisent un suivi médical régulier, avec des consultations spécialisées et des examens répétés.

Les évolutions des modes de vie ont également un impact significatif. La généralisation de la sédentarité, l’augmentation de l’obésité, la persistance du tabagisme ou encore l’augmentation du stress chronique sont autant de facteurs de risque favorisant l’apparition de pathologies évitables.

Selon l’OMS, près de 80% des maladies cardiovasculaires, du diabète de type 2 et plus d’un tiers des cancers pourraient être évités par une meilleure prévention primaire (alimentation, activité physique, réduction des comportements à risque).

[1] Les dépenses de santé en 2023 – Rapport Drees – 2024

3. L’absentéisme : une tendance lourde qui se confirme dans le temps

L’un des autres marqueurs du déséquilibre croissant de notre système est l’absentéisme au travail. En 2023, selon le baromètre de Malakoff Humanis, 42% des salariés[1] se sont vu prescrire au moins un arrêt de travail, un niveau élevé mais stable.

Le coût économique de cet absentéisme est estimé à 25 milliards d’euros par an, soit environ 7% de la masse salariale globale des entreprises françaises[2]. Ce coût inclut les indemnités journalières versées par la Sécurité sociale, les compléments des employeurs et la perte de productivité induite. Si l’on y ajoute les coûts indirects, le montant est environ 3 fois supérieur.

L’absentéisme est un révélateur des fragilités du tissu économique et social : qualité de vie au travail insuffisante, montée des troubles psychiques et confirme le rôle pivot que doit jouer l’entreprise dans la politique de prévention.

[1] Absentéisme 2023 – Baromètre Malakoff Humanis – 2024
[2] Absentéisme 2023 – Baromètre Malakoff Humanis – 2024

4. La prévention : doit devenir un pilier de notre politique de santé

Malgré une prise de conscience croissante, la prévention reste historiquement le parent pauvre du système de santé français. Elle représente moins de 3,9% des dépenses totales de santé en 2022 (5,5% en moyenne au sein de l’UE[1]), alors même que les bénéfices attendus sont considérables en termes d’efficience économique et de qualité de vie.

Les politiques publiques ont trop souvent été centrées sur le traitement des pathologies une fois déclarées, au détriment de l’action en amont (habitudes de vie, dépistage, éducation à la santé, etc.). La crise sanitaire liée au COVID-19 a toutefois mis en lumière la vulnérabilité de cette approche et la nécessité de repenser les priorités.

[1] Les dépenses de santé en 2023 – Rapport Drees – 2024

Une responsabilité partagée entre acteurs publics et privés

Les efforts de prévention en France sont actuellement pris en charge à 73% par les acteurs publics, notamment dans le cadre de la prévention primaire (vaccination, campagnes de dépistage, politiques nutritionnelles, etc.). Les OCAM financent 16% des actions de prévention, tandis que les entreprises en assurent 11%.[1]

Pourtant, ces dernières sont en première ligne sur le champ de la santé au travail, du bien-être, de la qualité de vie et de la détection précoce des troubles. Elles représentent donc un levier puissant d’action si elles sont mieux intégrées dans les politiques globales de santé.

[1] Prendre le virage de la Prévention – Note Sapiens – Asterès – 2022

Une gouvernance qui doit permettre de rendre ce partenariat plus efficace et incitatif

L’un des enjeux des prochaines années est de mieux articuler les actions entre les différents acteurs, publics et privés, pour construire un système de prévention cohérent et intégré. Cette gouvernance partagée suppose :

  • Une clarification des rôles entre État, Sécurité sociale, collectivités territoriales, OCAM et employeurs ;
  • Le développement d’outils d’évaluation de l’impact des actions de prévention
  • La création d’incitations financières pour favoriser l’investissement en amont
  • Une meilleure intégration de la prévention dans le parcours de soins et dans les politiques de ressources humaines et une reconnaissance de l’ensemble des actions de prévention réalisées par les OCAM et entreprises et qui ne sont pas prise en compte dans leur exhaustivité aujourd’hui (un certain nombre d’actions de prévention proposées par les OCAM dans leurs contrats santé sont considérées comme des actions de communication / marketing et comptabilisées dans les frais de gestion).

Ce changement ne pourra se faire sans une approche partenariale entre tous les acteurs du système : l’État, les organismes d’assurance, les collectivités, les entreprises, les professionnels de santé et par la mise en œuvre d’une réglementation qui favorise des ROI positifs pour l’ensemble des financeurs du système de santé.

Les entreprises et leurs OCAM partenaires ont donc un rôle clé à jouer dans la mise en œuvre de politique de prévention efficaces à travers deux leviers :

  • En se faisant le relais de politiques nationales de dépistage et de vaccination, à travers la médecine du travail notamment
  • En mettant en place des actions favorisant la lutte contre les conséquences de la sédentarité et de l’isolement social de leurs salariés, en utilisant notamment les outils de gamification afin de faciliter la mobilisation des salariés.

Abelya Partners, cabinet de conseil spécialisé auprès des acteurs de l’assurance, de la protection sociale et de la santé, s’engage et se constitue pour accompagner ses clients dans leurs transformations responsables. Nous ne le faisons pas pour des raisons idéologiques, marketing ou pour résonner avec les modes du moment mais parce que nous considérons, compte tenu de notre expérience, que les transformations responsables sont le moyen le plus certain de créer de la valeur quoi qu’en dise les comptables ou technologues.

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