L’esthétique et le travail : à la recherche de la beauté perdue ? Un nouveau front de valeur pour les collaborateurs et les clients

L’esthétique et le travail : à la recherche de la beauté perdue ? Un nouveau front de valeur pour les collaborateurs et les clients

Auteur : Kevin ALLAIN, Directeur associé

Notre société a pu être qualifiée récemment « d’hyper-esthétique » [1], au sens où la beauté délaisse le monde de l’art pour envahir tous les aspects de la vie, depuis le simple produit de cosmétique jusqu’au mobilier urbain en passant par nos photos Instagram. Si questionner la dimension esthétique des éoliennes ou l’architecture des villes paraît évident, le sujet semble plus éloigné des préoccupations de l’entreprise et du travail. La quête utilitariste d’efficacité et de rentabilité semble primer sur la recherche esthétique, le jugement de goût et le souci du Beau.

Et pourtant, si le beau s’affirme comme une nouvelle préoccupation, l’entreprise et le travail ne seront pas épargnés. Mais peut-être, ont-ils beaucoup à y gagner, vis-à-vis tant des collaborateurs que des clients. C’est ce que nous voudrions évoquer ici.

[1] Yves Michaud, « L’art, c’est bien fini » Essai sur l’hyper-esthétique et les atmosphères, Gallimard, 2021

Le beau au travail : du « travailleur heureux » …

L’esthétique est une notion oubliée ou secondaire du monde de l’entreprise et du travail. Comme le suggère son étymologie (le mot grec aisthêsis désignant à la fois la faculté et l’acte de sentir), l’esthétique, c’est d’abord « ce qui frappe nos sens » ; or le monde du travail est plutôt le règne du rationnel.

Pourtant, comme le rappelle Jean-Philippe Bouilloud dans son ouvrage « Pouvoir faire un beau travail » (2023) [1] – dont la lecture a beaucoup nourri cette note, le registre du beau au travail est assez commun. On salue facilement une « belle présentation », « une belle dynamique d’équipe », un « beau livrable ». On parle de « belle ouvrage ». Il s’agit d’une reconnaissance qui va au-delà du jugement d’utilité et engage un jugement de beauté (Christophe Dejours[2]). Difficile d’en donner une définition objective. Faire un beau travail, c’est le libre jeu du travailleur qui déploie dans son activité ou dans sa tâche un soin, une ardeur, une volonté de bien faire pour atteindre un bon et beau résultat, avec un sens élevé de sa finalité. Mais à son contact, comme manager, partenaire, client, professeur ou comme patient, on ressent immédiatement le « beau geste », un supplément d’âme qui se distingue de la simple exécution d’une tâche. Peut-être même l’intention du Beau est-elle au moins aussi importante que le résultat atteint.

Le beau travail a donc une dimension capitale car s’il est source de satisfaction voire d’enchantement pour celui qui le reçoit, il est une source de joie, de motivation, d’accomplissement, de fierté pour celui qui le réalise. Il est également un support d’identité : il met en jeu notre liberté d’exécution dans le geste métier et on dit quelque chose de nous à travers lui.

[1] Jean-Philippe Bouilloud, Pouvoir faire un beau travail, une revendication professionnelle, 2023, ERES

[2] Christophe Dejours, La psychodynamique du travail face à l’évaluation : de la critique à la proposition, Travailler, 2011/1

 

à « l’Animal laborans »

Or la capacité à faire un beau travail est remise en question par les évolutions de notre modèle économique et d’organisation du travail depuis l’irruption de la modernité industrielle.

La modernité industrielle a représenté une rupture à la fin du 19ième siècle vécue comme brutale. Les usines, l’air charbonneux et pollué, le bruit, la division du travail et les cadences infernales, l’asservissement aux machines, tout cela a largement contribué à nourrir un imaginaire douloureux du travail et à forger les luttes sociales. La littérature, à travers Zola, Scott Fitzgerald et bien d’autres, a rendu compte avec une certaine négativité narrative de la laideur inhumaine du monde industriel. On se rappelle les vers de Verlaine (La Bonne Chanson, 1870) décrivant le train qui lacère les plaines :

« Une odeur de charbon qui brûle et d’eau qui bout,

Tout le bruit que feraient mille chaînes au bout

Desquelles hurleraient mille géants qu’on fouette »

Plus tard, Charlie Chaplin dans « Les Temps Modernes » met en scène l’homme cantonné à une micro tâche répétée à l’infini et devenant un simple rouage de la grande Machine.

Deux dimensions, particulièrement, affectent la capacité à faire un beau travail :

  • La rationalisation des modes de production, à travers l’organisation scientifique du travail et l’automatisation croissante des tâches, implique division du travail, hyperspécialisation, standardisation, soumission accrue à la machine, et systèmes de pilotage et de contrôle, pour plus de qualité et de productivité. Mouvement accentué par la « bureaucratisation » des entreprises du secteur marchand, décrite par François Dupuy [1]
  • L’utilitarisme et le profit. Le fonctionnel l’a emporté sur l’esthétique, ou bien, dans le meilleur des cas, l’une est subordonnée à l’autre. Le Beau est un détour ; le détour c’est du temps et de l’argent. Le design de la simplicité et de l’utilité est aussi une recherche de moindre coût.

Dans ce contexte, l’espace où se joue le beau travail se réduit.

Encadré par des processus, des procédures, des workflow, soumis à des objectifs de productivité et des indicateurs d’activités, le travailleur a moins de marge de manœuvre pour déployer sa libre initiative et « ornementer » son travail au-delà du cadre fixé, pourrait-on dire avec William Morris[2], une des figures du mouvement Arts & Crafts né à la fin du 19ème siècle en Angleterre en réaction à l’industrialisation naissante. Découplage entre conception et exécution, et soumission aux cadences de la machine (14% des ouvriers déclarent travailler sous contrainte automatique – Observatoire des inégalités, 2020), achèvent d’éloigner de la finalité du travail et de questionner son sens. Si les chaînes de production fordistes nous paraissent loin, pensons, plus près de nous, aux centres d’appels ou bien aux plateformes logistiques soumises à la pression des flux et à l’exigence d’instantanéité. 

Hannah Arendt dirait que l’on passe de l’Oeuvre au travail, et du statut d’Homo Faber à celui, dégradé, d’animal laborans[3].

C’est comme si dans le triptyque Beau-Vrai-Bien de Platon, le Vrai, l’intelligible, et la pensée calculante l’avait emporté. Osons un parallèle avec l’architecture : la victoire d’Adolf Loos qui, en 1908, dans un texte « Ornement et crime »[4], promeut la simplicité et congédie l’ornement inutile et ce faisant préfigure l’architecture brutaliste moderne, nous renvoie à la réponse fameuse de Churchill à la question « pourquoi l’architecture importe-t-elle ?

_ Parce que nous façonnons nos monuments, puis ils nous façonnent ».

Ici se joue une part du désenchantement contemporain.

Cela a un coût.

D’abord un coût humain qui se traduit par la souffrance au travail. Elle s’illustre (données DARES, 2021[5]) : près d’un million de salariés  exposés 20 heures ou plus par semaine  à des contraintes articulaires, 1,8 million de salariés exposés à des facteurs de pénibilité au travail éligibles au compte professionnel de prévention (C2P), près de 60% des salariés déclarant une exposition à 3 dimensions ou plus des facteurs de risques psycho-sociaux. 2,5 millions de salariés en détresse psychologique (burn-out), soit 34% des salariés (sondage Empreinte Humaine, 2022), avec un facteur aggravant du télétravail pour certains salariés.

Les cadres ne sont pas épargnés : 27% d’entre eux déplorent ne pas éprouver la fierté du travail bien fait. On comprend mieux le succès d’un David Graeber et de son concept de « Bullshit Jobs ». Cela n’est pas sans lien avec le mouvement du « quiet quitting » qui a affecté les entreprises après la crise Covid.

Ensuite un coût opérationnel qui se mesure par le taux d’absentéisme, le turn over, et la stagnation de la productivité. Cela se double d’un coût économique : selon l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), « le coût social du stress professionnel est estimé entre 2 et 3 milliards d’euros, ces chiffres incluant les dépenses de soins, celles dues à l’absentéisme, aux cessations d’activité et aux décès prématurés. »[6]

L’enjeu est aussi politique. Le Haut Commissariat au Plan dans une note de janvier 2024 sur la « Grande transformation du travail » [7]rappelle que « les attentes des Français envers le travail concernent ses trois fonctions fondamentales : sa dimension rémunératrice (46 % s’estiment suffisamment payés, contre 59 % dans l’Union européenne et 68 % en Allemagne) ; sa dimension d’épanouissement (40 % des 17-38 ans aspirent à l’autonomie dans le travail ; 42 % des actifs estiment que leur supérieur ne reconnaît pas leur travail à sa juste valeur, contre 34 % aux États-Unis et 28 % au Royaume-Uni) ; sa dimension sociale et citoyenne (l’absence d’autonomie dans le travail est directement corrélée en France à l’abstention électorale) ».

[1] François Dupuy Lost in management. La vie quotidienne des entreprises au 21ème siècle, 2011, Le Seuil

[2] William Morris, Travail utile, fatigue inutile, 2023, Rivages Poches

[3] Hannah Arendt, La condition de l’Homme moderne, 1997, Pocket

[4] Adolf Loos, Ornement et crime, 2015, Rivages Poches

[5] DARES, Chiffres clés sur les conditions de travail et la santé au travail, 2021

[6] https://www.inrs.fr/risques/stress/consequences-entreprise.html

[7] Haut Commissariat au Plan, La grande transformation du travail – Crise de la reconnaissance et du sens du travail, 2024

 

Le retour de l’esthétique au travail à travers le réenchantement de l’expérience collaborateurs ?

Face à cela, les entreprises ont su se réinventer. Pas toutes et pas au même rythme, ni au même degré bien sûr.  Elles ont du se conformer aux réglementations encadrant le temps de travail et promouvant la qualité de vie au travail. Entre chasse aux talents et fidélisation des collaborateurs, elles ont dû également se réformer pour proposer des cadres de travail plus attractifs et différenciants. L’esthétique se diffuse partout ? Pourquoi pas dans les entreprises ? Le bénéfice est plus large : symétrie des attentions oblige, prendre soin de ses collaborateurs, c’est prendre soin de ses clients.

Plusieurs leviers de « réenchantement » sont déployés ces dernières années. Mentionnons :

  • L’amélioration des lieux de travail, qui représentent l’une des dimensions les plus concrètes de l’expérience esthétique d’un collaborateur. Les espaces de travail sont repensés, plus ouverts, plus « beaux », en empruntant les codes esthétiques de l’époque (« brooklynisé » – pour reprendre l’expression de Jean-Laurent Cassely[1] pour la génération 2015, et AMPMisé pour la génération actuelle). On a vu se développer des parfums d’entreprise pour offrir une expérience sensorielle compète. (faut-il pour autant mimer les espaces domestiques ?)
  • L’environnement de travail s’affirme de plus en plus comme un cadre de vie prolongeant la « maison », adaptés aux nouveaux usages, avec pour enjeu de redonner envie aux collaborateurs de revenir au bureau. Les services aux occupants se multiplient (salle de sport, conciergerie, …)
  • L’amélioration des outils de travail des collaborateurs, par le déploiement de postes de travail conçus, pour offrir une expérience qui soit équivalente à l’expérience offerte aux clients sur les espaces digitaux (symétrie et … synergie).
  • L’évolution de la culture organisationnelle pour repenser la culture managériale, accroître l’autonomie des collaborateurs, renforcer la participation et l’intelligence collective notamment dans les projets de transformation. On renvoie aux travaux d’Isaac Getz sur « l’Entreprise libérée »[2], ou de Frédéric Laloux (« Réinventer l’organisation »[3]).
  • Un travail sur le sens en résonance avec les enjeux sociaux et environnementaux, qui peut passer par la formulation de la raison d’être (introduite par la Loi Pacte, 2019) et la mobilisation des collaborateurs autour de démarches RSE transformantes.
  • Le renforcement de marqueurs esthétiques pour redonner une place au beau au travail. Par exemple : mécénat culturel, accueil d’expositions temporaires, leasing d’œuvre d’art, promotion de l’élégance dans les valeurs de l’entreprise.

Qualité de vie au travail, réechantement de l’expérience client et collaborateurs : la dynamique est louable, mais on sent bien que toutes ces notions sont des « proxy » du « beau au travail », qui ne le touchent pas directement. Et encouragent parfois une sorte « d’instagramisation » des entreprises en participant à « l’esthétique d’atmosphère »[4].

Ces tendances signent plutôt le retour du Beau « au » travail que « dans » le travail.

[1] Jean-Laurent Cassely, No fake : contre-histoire de notre quête d’authenticité, 2019, Arkhê

[2] Isaac Getz, L’entreprise libérée, 2017, Fayard

[3] Frédéric Laloux, Reinventing Organizations, 2015, Diateino

[4] Yves Michaud, op. cit.

 

Recréer de l’espace pour le beau dans le travail, quelques observations et pistes de réflexion

Postulons que l’esprit du temps se transforme autour de quelques tendances clés pour notre sujet :

  • La quête de sens, d’autonomie et de responsabilité, à la fois comme consommateur et comme producteur ;
  • Une fatigue de la standardisation et une aspiration à davantage de personnalisation dans laquelle l’individu s’engage. Ce point est particulièrement vrai dans un contexte d’automatisation massive, avec une recherche d’expériences moins aseptisées et plus humaines, offrant une émotion ;
  • Un besoin de retour aux matières premières de qualité, à une forme d’authenticité, de durabilité, qui s’accompagne d’une revalorisation des métiers artisanaux ;
  • Une besoin de Beau, qui tout en restant subjectif s’affirme comme intention. Le laid dérange. On le voit avec les débats récurrents sur les éoliennes, sur les « villes moches ».

Notre conviction est que ces tendances peuvent se refléter dans l’entreprise et dans les attentes des clients et des collaborateurs. Recréer les conditions qui permettent aux collaborateurs de faire un beau travail est bénéfique pour l’organisation et pour les clients. Partageons quelques inspirants ou observations tirées d’expériences réelles qui peuvent l’illustrer :

Inscrire l’intention du Beau au cœur de la stratégie, que ce soit dans l’objet final ou dans l’expérience client et engager les collaborateurs dans sa déclinaison dans le geste métier

  • Simone Weil (la philosophe)[1] avait voulu réaffirmer l’importance du sentiment de beauté chez l’ouvrier, en le stimulant à travers des conférences de culture générale ou des ateliers d’expression par écrit sur le travail ; pour elle cela impliquait de restaurer une forme de liberté et de distance à l’utilitarisme dominant. (La condition ouvrière, 1951).
  • L’exigence sans cesse martelée par Steve Jobs de viser le beau et l’utile dans les produits Apple est forcément inspirante. Chaque collaborateur est coresponsabilisé dans l’atteinte de cet objectif esthétique et fonctionnel.
  • Chez Hermès, aux traditionnels trois critères de gestion de projet, coût, qualité, délai, on ajoute une quatrième dimension : la beauté. Elle est parfois invisible : 3 microns d’or ajoutées aux pièces métalliques ne se voient pas immédiatement mais s’apprécient avec le temps car la patine de l’objet sera plus belle.
  • On a vu que « l’ornement » peut être l’espace où le collaborateur manifeste sa joie de bien faire. Ce n’est pas incompatible avec la simplicité, privilégiée par la culture Design. La simplicité dans la communication contractuelle, dans le vocabulaire, dans les parcours et les processus, cette simplicité qui ne reporte la complexité métier sur les collaborateurs, ou sur l’expérience client c’est un front de valeur à conquérir.

Favoriser la polyvalence et la diversité des tâches, de telle façon que le collaborateur ait le sentiment d’agir sur une dimension plus large de l’activité avec plus d’impact final :

  • Faisant le constat d’un taux d’absentéisme et d’un turn over très important sur sa population de téléconseillers, un courtier gestionnaire a expérimenté une augmentation de la polyvalence des téléconseillers en leur transférant la réalisation d’actes de gestion simples, et en choisissant une organisation fractionnée (matin : prise d’appels entrants ; après-midi : traitement d’actes simples). Résultat : malgré la charge augmentée à ressources à peu près constantes, une joignabilité maintenue à un niveau élevé et une productivité améliorée.
  • Enseignement : la montée en compétences sur de nouvelles activités, et la capacité à intervenir dans le traitement de sollicitations clients a augmenté le niveau d’engagement des collaborateurs. Effet vertueux de la polyvalence et de l’impact.

Standardiser pour sécuriser l’activité, tout en laissant une marge de manœuvre et d’initiative aux collaborateurs pour personnaliser et susciter l’impact

  • Evidemment, le socle de la fiabilité et de l’efficacité, c’est l’industrialisation des activités, par des processus et des outils. C’est ce qui permet de reproduire en masse une opération de qualité. Pour l’organisation ce sont aussi des routines qui sécurisent et qui reposent.
  • Les centres d’appels sont l’un des exemples les plus poussés de nos jours de l’industrialisation du travail. Les taux de joignabilité, stock d’appels sortants, durée moyenne de traitement et taux de satisfaction à chaud encadrent l’activité, de même que les opérateurs sont presque totalement guidés par des scripts relationnels standardisés. On cherche ces dernières années à injecter de la personnalisation de masse en capitalisant sur la data et en ajustant les scripts et les postures. Le résultat est connu : en tant que clients, l’expérience d’un appel entrant d’une plateforme à bas coûts est rarement « belle ».
  • En revanche, nous sommes touchés par un opérateur qui a su « ornementer » son appel, à lui donner ce supplément d’âme, par le ton, les mots choisis, la capacité à entrer en résonance, en empathie avec l’interlocuteur. On pourra se dire que ça a été un « bel échange » qui aura de l’impact.
  • La personnalisation ne se prévoit pas complètement, et les ingrédients qui ont le plus d’impact sont très certainement contextuels et humains, et naissent d’une forme de prise de distance au standard. C’est la mise en œuvre de l’intuition du collaborateur, de son engagement pour une vraie personnalisation de l’interaction client qui marquera des points et suscitera l’émotion du client.

En complément du point précédent, faire évoluer la culture organisationnelle pour diminuer les contrôles et renforcer l’autonomie, libérer l’envie de bien faire et faire de la place à l’esprit versus la lettre

  • La capacité pour un collaborateur de sortir du processus sans insécuriser les opérations mais pour plus de qualité client est une des caractéristiques des organisations matures ; cela suppose une culture d’entreprise forte, de l’autonomie et un développement performant des compétences des collaborateurs. Pour plus de qualité perçue par le client.
  • En gestion de prestation de prévoyance, les situations clients sont parfois très délicates. Une approche très bureaucratique, extrêmement attentive à la lettre du contrat peut certes contribuer à la sécurisation des opérations, mais aura peu de chances de susciter une satisfaction élevée de l’assuré.
  • En situation de gestion d’un sinistre, une posture empathique qui démontre le souci d’apporter le maximum de valeur au client dans le sens davantage de l’esprit du contrat que de la lettre est de nature à créer une « signature relationnelle » valorisée et contributrice au NPS.

Dans des modèles opérationnels et relationnels qui vont toujours davantage capitaliser sur l’automatisation et l’IA, garder à l’esprit que c’est l’humain et le beau geste qui feront la différence dans la relation client

  • Dans un monde où la relation client va être de plus en plus structurée autour de l’IA à travers les robots conversationnels (voicebot, chatbot), ce qui fera la différence c’est l’ingrédient humain.
  • Dans l’interaction client, la volet automatique sera parfaitement maîtrisé et le volet humain sera plus aléatoire. Mais, pour reprendre la « théorie du tremblé » de John Ruskin, accepter (un peu) l’aléatoire c’est accepter l’erreur ; et ce qui « tremble » sera demain ce qui aura un impact différenciant auprès du client.

Le mot que Dostoïevski fait dire à son personnage le Prince Mychkine dans L’Idiot, « La beauté sauvera le monde » pourrait être tourné en question : « la beauté sauvera-t-elle le travail ? ».

Ce besoin de faire un beau travail nous paraît si vital pour les collaborateurs, et si porteur de valeur, qu’il semble improbable de l’étouffer complètement. On peut même supposer, comme le fait Jean-Philippe Bouilloud, que le souci esthétique, ce besoin de chacun de déborder le cadre avec sa volonté de bien faire, peut devenir un acte de résistance dans le travail. Faut il récompenser les résistants ?

Abelya s’est elle-même constituée avec une volonté qualitative forte pour nos clients et pour nos collaborateurs. Nous valorisons le plaisir du travail « bien fait » et la prise en compte d’une dimension esthétique dans notre action. Cela implique une forme de spontanéité, de sincérité, et une liberté forte dans nos analyses, indépendantes de toute solution informatique, et un souci du « beau geste ».

Enfin, à titre de simple hypothèse, notons que la réduction du temps de travail (depuis 1950, la durée annuelle du travail des salariés a diminué d’un peu plus d’un quart en France, de 1900 heures par an en moyenne en 1950 à 1400 heures pour les salariés au début des années 2000, et 1500 pour l’ensembles des actifs ; étude ENS Lyon, 2017) a peut être eu pour effet de déplacer l’enjeu du « beau », du « sens », du travail vers le loisir : ainsi on chercherait plus à ornementer son temps libre que son temps contraint. Deux limites à cette hypothèse : le canal de transmission du mal être au travail vers la sphère privée est plus que démontré ; l’étude de l’occupation du temps libre montre qu’il est fléché de façon croissante vers un divertissement qui nous appauvrit et nous isole, indissociable désormais des écrans (Olivier Babeau, 2023[2]). Ainsi, à l’enjeu du « faire un beau travail » s’ajouterait un enjeu tout aussi crucial pour l’épanouissement personnel et la réduction des inégalités : « avoir un beau loisir ». C’est un autre sujet que nous aborderons ailleurs.

[1] Simone Weil, La condition ouvrière, 2022, Payot

[2] Olivier Babeau, La Tyrannie du divertissement, 2023, Buchet Chastel

 

Abelya Partners cabinet de conseil spécialisé auprès des acteurs de l’assurance et de la protection sociale s’engage et se constitue pour accompagner ses clients dans leurs transformations responsables. Nous ne le faisons pas pour des raisons idéologiques, marketing ou pour résonner avec les modes du moment mais parce que nous considérons, compte tenu de notre expérience, que les transformations responsables sont le moyen le plus certain de créer de la valeur quoi qu’en dise les comptables ou technologues.

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